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La santé mentale, Kezaco ?

La santé, un produit de l’histoire

La santé n’est pas une réalité objective mais un concept dont le sens varie selon les croyances d’une époque, son organisation sociale et politique ou ses pratiques médicales. Par exemple, l’embonpoint a longtemps été un signe de bonne santé alors qu’il est aujourd’hui vu comme un risque pour la santé. Pour la comprendre, vous pouvez voir la santé comme un état d’équilibre, équilibre que peut éprouver une personne à l’intérieur de sa culture, de ses représentations du monde, du rapport qu’elle a à son corps, etc. C’est une dimension subjective importante qui s’ajoute au « bon » fonctionnement des organes. Dans ses Écrits sur la médecine, le philosophe Georges Canguilhem écrira : « Je me porte bien dans la mesure où je me sens capable de porter la responsabilité de mes actes […] ».

La santé comme absence de maladie

Le modèle de la médecine biomédicale, qui se constitue à partir du 19e siècle, se préoccupe moins de santé que de maladie. Elle est cet état normal qui apparaît « dans le silence des organes », comme l’a écrit le chirurgien René Leriche en 1936 pour indiquer que la santé est tout simplement l’absence de pathologie. Dans ce contexte, la santé mentale est perçue comme une réalité objective qui ne prend pas en compte la subjectivité de la personne, et oppose les fous aux personnes dites « normales » ou « saines ». Cette conception va progressivement se transformer, notamment sous l’effet du modèle bio-psycho-social.

 

Vers une conception positive de la santé

Développé dans la seconde moitié du 20e siècle, le modèle bio-psycho-social soutient une conception plus englobante et positive de la santé. La prise en charge des maladies chroniques appuie d’ailleurs cette idée que la santé n’est pas seulement une absence de maladie. Pourquoi ? Parce que je peux par exemple être diabétique insulino-dépendant et en bonne santé. L’antagonisme entre le corps et l’esprit s’atténue. Cela signifie que la santé mentale ne concerne pas que l’esprit mais des interdépendances plus larges qui engagent le corps, l’environnement économique et social, etc. De même, la rupture entre fou et sain est remplacée par un continuum d’états variés. Enfin, la dualité objectif / subjectif est récusée pour prendre en compte à la fois les données biologiques ou médicales et l’expérience vécue par la personne.

Résumons-nous !

  • La médecine est la science des médecins dont la spécialité est de prévenir et soigner les maladies.
  • La santé est un concept qui appartient à tous – Canguilhem dira « vulgaire » – et qui rend compte de l’équilibre biologique et psychosocial des personnes.
  • En ce sens, la santé n’est pas que l’affaire des médecins, mais de chacun.

Quelle définition de la santé mentale aujourd’hui ?

La notion de santé mentale a connu de profondes transformations ces 80 dernières années. Son évolution est parfois déroutante et la rend bien moins facile à comprendre que lorsqu’on opposait les « fous » aux « gens normaux » ! Le sociologue Alain Ehrenberg souligne ainsi qu’elle est « une notion des plus confuses » puisqu’elle regroupe sous une même étiquette des éléments très différents, allant des troubles mentaux, comme la schizophrénie, au développement personnel et la recherche du bien-être. Dans cet ensemble composite, difficile parfois d’identifier un référent commun ! Alors comment s’y retrouver ? Maladie mentale, bien-être… de quoi parle-t-on vraiment ?

Maladie et bien-être : deux aspects d’une même santé

Dans le champ de la santé mentale, donc, se trouvent les troubles mentaux. La classification internationale des maladies (CIM) de l’OMS, qui fait référence, les divise en 11 grandes catégories à l’intérieur desquelles la schizophrénie, l’anorexie, la dépression, les addictions... Pourquoi parler de « troubles » plutôt que de « maladies » ? Parce que ce concept échappe à l’opposition malade / non-malade pour lui substituer une gradation qui peut concerner, à des degrés divers, toute la population. C’est la raison pour laquelle, des seuils dits de « significativité clinique » ont été fixés permettant d’identifier quand une situation est pathologique (Doron, 2008). On le comprend mieux avec un cet exemple : la dépression est marquée par un sentiment de tristesse, mais toute tristesse n’est pas un signe de dépression. Il faut donc évaluer quand la tristesse, associée à d’autres symptômes, devient un marqueur de la dépression. Ainsi, selon ce qu’éprouve une personne, le médecin pourra diagnostiquer des troubles qui « se caractérisent par des perturbations affectives, cognitives et comportementales entraînant une souffrance psychique et/ou des problèmes de fonctionnement personnel et social » (Carre et al. 2018).

Depuis la redéfinition du champ de la santé mentale, celle-ci inclut la santé mentale positive. Par opposition à la partie de la santé mentale que l’on vient de décrire – et qu’on pourrait qualifier de « négative » parce qu’elle est centrée sur les troubles mentaux –, la santé mentale positive cherche au contraire à identifier les ressources favorisant l’épanouissement des personnes. On y trouve par exemple le bien-être, la résilience et les capacités d’adaptation, l’appartenance sociale… (Carre et al. 2018), tout ce qui a trait au développement personnel.

La fin d’une conception binaire de la santé mentale

 

La santé mentale est donc une notion complexe qui se construit à partir de ces deux dimensions. Pour bien la décrire, le psychologue Corey Keyes propose un schéma en croix, avec un axe représentant le continuum de la « maladie mentale » et un autre celui de la « santé mentale ». Sur l’illustration, on peut voir qu’une santé mentale florissante n’est pas seulement caractérisée par l’absence de troubles mentaux. Elle compte une dimension positive. Quelles conséquences ? D’abord, l’absence de troubles mentaux n’implique pas mécaniquement une bonne santé mentale. On peut ne pas être malade et éprouver de la tristesse ou se sentir mal dans sa peau. Inversement, avoir des troubles mentaux n’entraine pas nécessairement l’absence de santé mentale. Enfin qu’on soit ou non touché par la maladie, la santé mentale est une ressource importante pour le fonctionnement optimal des personnes (Doré & Caron, 2017).


 

La santé comme pouvoir d’agir

Où nous mène ce rapide aperçu ? À comprendre pourquoi la définition de l’OMS rend parfaitement compte de ce que désigne aujourd’hui la santé mentale. Elle est « un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une communauté ». Cette définition a le mérite de tracer un « horizon » de la santé mentale qui ne se voit plus définie négativement par la maladie mais par une dynamique de réalisation de soi et l’inscription sociale des personnes. En disant moins ce que la santé mentale est que ce qu’elle rend possible pour chacun, l’OMS refuse une posture normative qui fixerait ce qui est normal ou non.
Le champ de la santé mentale
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